Écureuil
–
Comme chaque nuit, Anthony rêvait qu’il faisait la course avec un écureuil. L’animal, de branche en branche, faisait preuve d’une agilité agaçante et malgré la cadence infernale qu’il imprimait à ses sauts, ne semblait jamais s’essouffler. Son poil impeccablement lustré gardait son joli moiré, pas une feuille, une brindille ou un insecte ne s’y prenaient. Anthony, quant à lui, handicapé par sa taille et ses maladresses de citadin, se laissait immanquablement distancer. C’était bien évidemment couru d’avance mais chaque nuit, à nouveau, en véritable stakhanoviste de la défaite, il relevait le même défi désespéré. On sait que, bien qu’endormis, il nous reste parfois une lueur de conscience et qu’on peut s’en servir pour diriger le cours de nos rêves: Anthony en usait à chaque nouvelle tentative pour changer la tactique qui s’était révélée infructueuse la veille. Mais rien n’y faisait et au bord de l’épuisement, les pieds pris dans la boue et le visage couvert de griffures, il finissait toujours par voir se perdre devant lui la petite silhouette.
–
